Voilà, ça fait maintenant (déjà) 3 semaines que je suis rentrée et j’en suis à me demander ce que j’ai appris.
Fin de l’exercice, le bilan financier c’est le plus facile à faire :
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‘>Prévision de dépenses sur place : 1450 €
‘>Dépenses réelles sur place : 1530 € (mais sans faire de gros craquage !)
Et comme j’ai dépensé un peu moins en médicaments que prévu, je crois que je tiens le budget, mais avec des écarts importants dans les différents postes :

Transports intérieurs : 29 081 Rs >> 18 000 Rs

La faute aux vols domestiques, vraiment très onéreux, le low cost est là-bas bien plus cher qu’ici. Et les tarifs des rickshaws ont sérieusement augmenté avec le prix de l’essence (dans les 50 Rs le litre, on et dans le même ordre de grandeur que chez nous). Mais je crois que les chauffeurs de rickshaw de Puri vivent mieux que ceux de Delhi, en pratiquant des tarifs spécial « touristes » !

Hébergement : 24235 Rs < 30 000 Rs
Nourriture / restaurant : 16 007 Rs pour mes seules consommations < 18 000 Rs

Mais je n’avais pas anticipé les cours de cuisine dans les maisons ou restaurants : 6750 Rs (financement de cours et achats de nourriture)

Connexion internet et téléphone : 4019 Rs. Bon, même avec ma clé 3G qui n’a marché que 1 mois, je suis loin des 10 000 Rs que j’avais envisagées (en voyant large)
Achats sur place : 240 € dépensés environ > 200 € budgétés

Mais là ce qui compte c’est le poids : je suis partie avec à peine 17 kg et revenue avec plus de 30 kg ! beaucoup d’épices, un wok en plus, quelques vêtements et médicaments abandonnés là-bas… A soupeser les bagages, on se freine naturellement à un moment !

Et enfin, deux postes que j’avais pas du tout imaginés :

Tourisme : 3 525 Rs, parce qu’il aurait été dommage de ne pas aller au Chilika Lake, au Peryiar Park, au Sun Temple de Konark, faire un tour de canoë sur les Back waters
Achats sur place pour la vie sur place : 2016 Rs (une éponge, du gel douche, des chaussures, un sac à dos pour ramener mes kilos supplémentaires)


Bilan moral (et pédagogique), le plus important :

Quels étaient mes objectifs :
- apprendre à travailler les épices
- découvrir et pratiquer des recettes indiennes
- expérimenter la conception d’un menu végétarien
- confronter mes connaissances de tradition française avec une autre culture gastronomique pour mieux comprendre la cuisine française
- et tout ça en travaillant dans un restaurant, sans forcément voyager à travers le pays

CE QUE J’AI APPRIS
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Beaucoup ! Mais il a fallu ces quelques jours d’atterrissage et quelques essais en cuisine ici pour me rendre compte que réellement, j’avais appris des choses techniquement, alors que pour l’aspect humain, ça je n’avais pas le moindre doute.
Aller à la découverte de la cuisine d’un pays est sans conteste un très bon moyen pour comprendre son fonctionnement. On entre dans les cuisines, on discute avec les personnes, on comprend le rôle social du repas, de la nourriture, l’organisation de la famille et des foyers… En Inde, ça permet de se rendre bien compte de la place de la femme dans la société traditionnelle, à la maison, chargée des repas, un peu coincée physiquement donc, mais pendue au téléphone portable toute la journée !
J’ai aussi été vraiment frappée par l’influence sur la société de l’absence de frigo dans les maisons, ou en cas de présence, du peu d’usage qui en est fait. Le choc ça a été quand je me suis retrouvée toute seule dans la grande ville de Kottayam, tous les magasins fermant à 19h (même les cybercafés), alors que j’arrivais de Puri où tout restait ouvert jusqu’à 22h30. Quand on n’a pas de frigo (ni tout ce qui s’y rajoute en terme de confort domestique), on vit beaucoup plus dans la rue, dans la société, alors qu’autrement on peut se contenter de faire ses courses une fois par semaine au supermarché et de très peu échanger avec ses voisins. Et c’est exactement le propos d’un édito que j’ai lu dans The Hindu du 8 décembre, un certain Arun Kumar, professeur à l’Université Nerhu, de retour du Mexique où il a été marqué par les longues autoroutes impersonnelles où l’on ne croise personne, rien que de grands centres commerciaux.
Et pour continuer sur le frigo, ça permet de se rendre compte que l’on peut faire sans (je rappelle que je n’ai pas du tout été malade), même si j’ai à chaque fois été un peu perturbée quand je me suis retrouvée dans une cuisine, en situation de fabriquer et sans frigo. Comme je l’avais déjà constaté en Guadeloupe, les générations qui se succèdent mettent au point des systèmes de préparation des repas qui permettent de préserver autant que possible la qualité sanitaire des aliments. Et en terme de générations qui se succèdent, l’Inde sait de quoi elle cause ; c’est une civilisation de 4000 ans, et on sent là-bas que les évolutions s’impriment petit à petit dans le pays, sans qu’il y ait de rupture, de négation du passé (en général). L’exemple le plus marquant est peut-être le Sadhu ceint de son dhoti, maquillé, juché sur son scooter et avec le téléphone portable autour de la taille, un habit millénaire et des outils bien actuels.
M’intéresser à la cuisine m’a conduit à me renseigner un peu sur la médecine ayurvédique, largement millénaire elle aussi, qui traite le corps et l’esprit dans une globalité, en intégrant aussi bien l’alimentation, l’activité physique (le yoga), l’hygiène et le psychisme.
L’ayurvédisme s’est donc imprimé dans la gastronomie indienne et les propriétés sanitaires des ingrédients sont bien connues de tous. Quelques exemples :
- faire tremper le chou-fleur dans de l’eau avec du curcuma pendant une dizaine de minutes avant de le cuire car cela détruira les nuisibles qui peuvent se situer à l’intérieur de la fleur, et qu’aucun nettoyage mécanique n’éliminera
- la moutarde qui est bonne pour la santé, et que l’on va trouver dans de très nombreuses recettes, mais dont on ne doit pas consommer la peau si la graine n’est pas broyée
- la muscade, le basilic… qu’on trouve peu en cuisine mais beaucoup de familles ont des recettes à conseiller pour soigner les rhumes ou la digestion difficile
- on consomme les épices mélangées, toujours plusieurs en même temps, pas seulement pour le goût, mais aussi parce que toutes ont des propriétés complémentaires
- …
Ceci étant, si la cuisine indienne a trouvé les moyens d’assurer la sécurité sanitaire, je dirais que ce n’est pas exactement ça pour l’apport nutritionnel, si l’on commence à manger un peu plus qu’à sa faim.
Et maintenant, je peux dire que j’ai en partie au moins appris à travailler avec des épices ; forte de toutes les recettes que j’ai pu collecter, et des essais que j’ai déjà pu faire depuis que je suis rentrée, même si je dois toujours me guider de mon répertoire.
J’ai aussi appris des propriétés de certains légumes que l’on connaît bien ici :
- le jus acide de la tomate empêche les légumes de cuire dans les soupes ou les dal, on la cuit donc entière
- les oignons cuisent très bien, sans brûler, dans un caramel de sucre et huile
- les aubergines frient très bien enveloppées dans un empois (pakoda)…
J’ai aussi découvert au moins une dizaine de légumes aux allures étranges, souvent de bon goût, parfois un peu trop amers ; des usages nouveaux de graines type lentille pour une cuisine qui sait se passer d’œufs. Je sais que je pourrai retrouver ici notamment les ladys fingers, plus difficilement le reste, j’ai sans doute bien fait de me charger d’épices et de certaines sortes de lentilles.
Je sais que je n’ai pas tout vu, je n’ai qu’une certitude, c’est que l’Inde est la championne du monde du take away et de la cuisine de rue.
J’ai pratiqué, regardé et beaucoup goûté aussi ! Je garde en mémoire, entre autres belles expériences, le temps passé au Gobinda, restau de rue de Puri, qui m’a appris à faire samossas, pakoda, sambar, alu chop… Là et dans d’autres endroits, j’ai appris beaucoup de choses dans des cuisines de restaurant mais je sais maintenant que pour l’Inde au moins, c’est dans les maisons que l’on apprend le plus de choses car on y fait des plats différents chaque jour, alors que dans les restaurants on ne fait qu’entretenir une carte, avec un seul type de gravy par exemple, que l’on réchauffe et accommode à la commande du client.
Enfin, pour ce qui est de la composition de menu veg, je me dis aujourd’hui que c’est quelque chose qui se sent, pas que l’on apprend académiquement, on part d’un ingrédient que l’on veut travailler, puis on tourne autour selon l’inspiration. Et les idées viendront donc avec la pratique sans doute.
Et d’un point de vue personnel, ce séjour m’a aussi confirmé que l’expérience voyage/cuisine/écriture me plaisait beaucoup. Je sais que d’écrire mon blog m’a fait aller à la recherche de certaines infos que j’aurais sans davantage survolé autrement (le fonctionnement de la pêche, les réflexions sur les usages notamment) ; et ce rendez-vous avec « le papier » m’a aussi dispensé de ressentir de la solitude.

CE QUE JE N’AI PAS (encore) APPRIS :
Je sais cuisiner avec des épices, mais j’ai encore beaucoup à apprendre quant au dosage ! Quand on regarde faire, ça a l’air simple mais une fois seule devant mon wok, ça s’est compliqué un peu. On se rapproche de la précision nécessaire à la pâtisserie et il faut envisager de changer les dosages à chaque changement de fournisseur aussi car les forces varient.
Faut-il davantage d’huile additionnelle dans le régime végétarien que dans le régime omnivore classique ? Sans doute oui, mais quelle proportion ?
Et l’huile de coco, bonne ou pas pour la santé alors ?
Et quand est-il de l’absorption de l’huile par les beignets ? Absorbent-ils moins d’huile si la pâte contient déjà de la matière grasse ?
Et tout ce que je me rends compte que je n’ai pas encore appris !