Point 1 : ça fait 18 jours que je suis là et je n'ai pas été malade!
Je bois toujours de l'eau en bouteille (« sealed water »), je m'en sers même pour me brosser les dents, je ne mange pas la peau des fruits non lavés, je fronce un peu les sourcils quand dans les boui boui de la rue on me sert des légumes crus... donc je fais un peu attention mais je ne me prive pas justement de manger dans la rue et de goûter à tout ce qui me tente.

Après près de 3 semaines en immersion, j'affirme que ça rassure plus que ça n'inquiète de rentrer dans les cuisines ici.

Parlons donc sécurité alimentaire.

J'ai passé une bonne partie de la journée dans la maison d'un monsieur qui sert les petits déjeuners sur la plage, pour que l'on prépare ensemble un repas. Il m'a fait part d'un rituel lié à une croyance, très important pour eux : on se lave les mains avant de toucher la nourriture ! Quand les religieux édictaient des doctrines pour protéger le bon peuple...
N'empêche, on se lave donc les mains avant de toucher la nourriture (bon pas avant d'éplucher les légumes, soit !). Et dans le moindre restaurant en dur où je suis allée, on dispose d'un point d'eau pour se laver les mains avant et après manger. Après ça s'impose, vu qu'on mange la plupart du temps avec les mains !
En cuisine, aussi, la pratique veut que l'on laisse tremper les légumes épluchés et coupés quelques minutes dans l'eau avant de les égoutter et les rincer. Halte là, les vitamines s'échappent ! Oui, mais les pesticides et la terre aussi ! On peut pas tout avoir !
Et globalement on mange cuit à très cuit. A cela, ajoutons que les épices protègent quand même un peu des bébêtes. La religion, la sagesse populaire, les coutumes font qu'en général chaque population a trouvé des moyens adaptés pour satisfaire la sécurité sanitaire de son alimentation.
On peut être un peu étonné de voir les productions du jour stagner à température ambiante pendant plus de 2 heures entre la production et la fin du service, et d'ailleurs on mange parfois un peu tiède froid dans les maisons. Ben, euh... les épices ?
Là où ça se complique, c'est peut-être quand on joue à faire comme si on était en Europe et à vouloir jouer avec la chaîne du froid, avec les produits conservés au frigo et les crèmes glacées.
Quid de la température extérieure pendant le trajet entre le magasin et le lieu de consommation, qui aurait de quoi faire se hérisser les cheveux d'un bactériologiste, et des pannes de courant quotidiennes ?
A noter : l'Inde n'est pas indépendante énergétiquement, alors tous les matins de 8h à 9h c'est « power cut », et en général il y a une autre coupure dans la journée. Euh, l'autonomie des frigos et congélateurs... ?

Bon globalement, rien qui fasse peur et même plutôt de quoi être rassurés sur le plan sanitaire. Alors, faute de perdre des kilos en touristas, on grossit ici ?

Du côté, bon équilibre nutritionnel :
on mange beaucoup de légumes et de pois, ce qui peut compenser la perte de vitamines des légumes dans l'eau (souvenez-vous c'était il y a quelques lignes)
le touriste moyen mange assez peu de sucreries, a envie de fruits, boit beaucoup d'eau, et peut parfois avoir envie de sauter un repas au restaurant.

Mais il y a aussi de quoi presque s'affoler :
la cuisine est assez grasse, on s'en rend compte quand on mange, on s'en émeut quand on cuisine !
on peut boire un nombre assez conséquent de chai (thé épicé au lait assez sucré selon les endroits) tout au long de la journée,
les sucreries sont horriblement sucrées (à mon goût en tout cas), et ça grignote pas mal pendant la journée,
les indiens peuvent prendre 4 vrais repas par jour dont 2 composés de friture. Ces 3 éléments combinés multiplient les pics d'insuline et ne facilitent pas le travail du foie.

En bilan,
beaucoup d'indiens très très très fins, constitution génétique un peu, privation aussi pour certains,
une tendance à se faire un petit bidon dès la vingtaine chez les hommes, même si ça ne les prive pas de leur souplesse (ce qui me fait un peu honte au yoga, où je suis incontestablement la dernière de la classe !),
quelques obèses vrais et des enfants qui « mangent bien à la cantine », mais finalement ça aurait presque un côté rassurant comme un signe qu'ici aussi il y a assez à manger pour tout le monde.
Même s'il faut peut-être s'inquiéter d'une multiplication de la consommation des snacks industriels vendus dans tous les corner shops, ouverts jusqu'à 23h le soir qui vendent tout du shampooing aux piles, en passant par les crèmes glacées, les bouteilles d'eau et les cigarettes à l'unité.
Enfin... les seuls « gros » que j'ai vus sont ceux qui se prennent en main et qui marchent à allure rapide tous les matins au parc où je vais au yoga. Là aussi peut-être un signe que dans les BRIC ça va vite, très vite et qu'ils vont nous dépasser très vite !