Hier, sur France Inter, l'émission Service Public était consacrée aux métiers manuels qui ne trouvent pas de bras. Bâtiment, Métiers de bouche, Artisanat divers...
Pourquoi ?
Pas assez de candidats formés à ces métiers ? (et alors ce serait la faute à l'organisation de la formation professionnelle)
Des conditions de travail pas attractives ou mêmes répulsives ?
Des patrons un peu trop exigeants, qui ne voudraient que des copier-coller des générations passées, qui ne croient pas assez en leur métier pour pouvoir le transmettre avec passion ?
Emission plutôt intéressante et commentaires des auditeurs assez éclairants :
http://www.franceinter.fr/emission-service-public-metiers-manuels-en-manque-de-bras

Globalement je suis assez d'accord avec ce qui s'y est dit.
ça interroge tout de même, de penser au nombre de personnes que je connais qui choisissent au bout de 5 ans d'études et 10 ans d'activité plutôt du registre intellectuel de se tourner vers des métiers manuels.
Pourquoi ?
Parce qu'on est usés au bout de 10 ans de pression morale dans des métiers à stress ?
Parce que les métiers manuels permettent de démarrer une activité où l'on sera enfin son patron, après s'être fait pessuriser par sa société, pour le bénéfice de quelqu'un d'autre (qui a toujours l'air de se la couler plus douce que soi) ?
Parce qu'on s'était trompés initialement et qu'on aurait dû aller tout de suite vers ces métiers manuels ?

Si je reprends mon cas personnel, je ne regrette rien de mon parcours. J'étais sans doute pas assez mature pour attaquer une formation professionnelle à 16 ans et le lycée c'était vraiment pour moi ; je suis contente d'avoir profité d'être dans ce rythme d'apprentissage pour avoir enchaîné sur 5 ans d'études et je crois que ça aurait été beaucoup plus difficile de faire mon parcours de formation dans l'autre sens ; j'ai bien plus profité de ma formation de CAP de cuisine avec la maturité que j'ai aujourd'hui que je n'en aurais tiré partie à 16 ans.
Mais c'est lié à l'organisation de la formation : les formations intellectuelles visent à ouvrir des portes aux diplômés alors que les formations professionnelles sont plus construites comme des entonnoirs, je le crains. Et au bout du compte, l'entonnoir se rétrécit.
On oriente les élèves en difficulté vers les formations manuelles, courtes et professionnelles mais que se passerait-il si l'on engageait des élèves brillants à aller vers des formations manuelles, qui pourraient alors être plus longues, plus poussées, plus vastes ?
Mais pour quels débouchés ? Parce que l'image véhiculée est que travail manuel = travail mal payé et travail intellectuel = travail mieux payé, sauf que ce n'est pas vrai tout le temps, pas pour les bons, qui s'accrochent, qui veulent arriver. Et là je suis obligée de m'engager dans une petite considération d'ordre politique : est-ce logique que l'on paie plus cher celui qui organise le discours de vente d'un produit, celui qui va organiser une filière d'appro pas entièrement morale que celui qui fabrique durablement, là, tout près, avec du bon matos ?
Dans une classe d'adolescents, il y a émulation ou contagion vers le "en-faire-le-moins-possible". Trop risqué d'aller à 16 ans dans une classe où il n'y a que des gens en échec scolaire et qui n'ont pas choisi d'être là. Tant pis pour celui qui serait motivé dans une classe majoritairement composée de gens pas concernés par les connaissances qui seront dispensées.
Et si on relevait le niveau dans les classes de préparation aux métiers manuels ? Et si on donnait plus d'ambition aux élèves des formations manuelles ? A ce propos, que dire de la formation de CAP que j'ai suivie cette année, quasi "l'école des fans", tout le monde a eu le même diplôme, celui qui s'en fichait, qui n'a rien fait de l'année et a fourni un travail pas terrible à l'examen, et celui qui s'est accroché et a voulu faire de son mieux ? Comment on motive les gens à se dépasser dans ces conditions ?


ceci est une suite, j'en avais déjà parlé
ici : http://capcuisineetinnovation.blog.ouestjob.com/index.php/post/2012/03/Quelques-r%C3%A9flexions-sur-la-formation-professionnelle%E2%80%A6
et là : http://capcuisineetinnovation.blog.ouestjob.com/index.php/post/2012/03/R%C3%A9flexions-sur-la-formation-professionnelle-en-restauration%2C-suite.