Vendredi dernier, j’ai eu la chance de pouvoir observer en situation le fonctionnement d’un service R&D.
Toute une journée dans le labo R&D, à pouvoir observer les travaux en cours, à interroger les membres de l’équipe, à me questionner sur mon souhait d’être dans ce type d’ambiance.
Eh bien, je suis confortée et diablement, dans mon choix de réorientation professionnelle. Non seulement j’ai passé une très bonne journée, j’ai appris beaucoup de petites choses mais aussi je me suis sentie bien dans cette ambiance de création et d’usine.
Merci donc aux personnes qui m’ont permis cette expérience !

Récit de la journée :

Je suis arrivée à 9h30, ne sachant pas trop à quoi m’attendre. Je savais que j’allais être reçue par T. le responsable R&D du site. Et je pensais déjà à la chance que j’avais qu’il m’accorde un peu de son temps et m’explique la façon dont il exerçait son métier.
Dès le début, les choses ont été posées : « on va t’équiper et tu vas suivre d’abord E. puis Y. dans l’usine et le labo ». Très bien, plutôt que de rester avec des questions, je vais pouvoir voir et toucher carrément !

Tenue de combat : chaussures de sécurité, pantalon blanc (beaucoup trop grand !), veste blanche à manches.

Visite de l’usine, au pas de charge, mais déjà ça permet de saisir l’ambiance et de voir le type de machines utilisées.

Suivi d’un essai industriel. Le client pour qui le nouveau produit est fait à façon est là aujourd’hui pour les derniers réglages avant la mise en route du produit.
Je vais pouvoir observer la fabrication de cette pré-série.
Pour le moment, la recette n’a été faite que dans la cuisine du labo R&D. Le site ne dispose pas d’installation pilote, donc on passe immédiatement de 3-4 parts à 200-300 kg.
La pré-série sert à caler les durées de cuisson, l’ordre dans lequel on va intégrer les ingrédients, les proportions de certains ingrédients. 80 kg de poireaux dans un mélangeur à double paroi ne cuisent pas de la même manière que 400 g dans une sauteuse !
Et le bras mélangeur ne travaille pas la farine de la même façon que la spatule en exoglass.
L’évaporation de l’eau aussi varie, on adapte donc la quantité d’eau ajoutée à la recette, à ce moment-là.
Le responsable de l’industrialisation a ainsi calé la durée de cuisson des poireaux, le mode d’intégration de la farine, préalablement mélangée à un peu d’eau.
A chaque étape, le client vient valider le niveau de cuisson, la texture qu’il souhaite.

Observation des essais en cours au labo. Pour chaque essai, une fiche technique préalable est faite par les chefs de projets avec les caractéristiques finales souhaitées : adapter une recette existante, moins colorée, moins couteuse, en remplaçant tel ou tel ingrédient, sans amidon modifié… réaliser un plat riche en protéines pour un type donné de public…

L’équipe R&D est entièrement composée de cuisiniers de formation, Chacun est responsable d’un type de matière première (où il doit acquérir une forme d’expertise au service du reste de l’équipe) et d’un portefeuille client.
En ce moment, il y a aussi une stagiaire pas du tout formée en cuisine mais plutôt en nutrition et marketing. On a discuté ensemble de la différence d’appréhension des problèmes et des solutions quand on a la sensibilité culinaire et que l’on ne l’a pas.
Bon… on a plus de chance de faire des produits bons en goût si c’est une préoccupation personnelle.
Ça peut sembler une évidence, prise en compte dans cette équipe, où les dossiers sont confiés à chacun en fonction de ses goûts personnels mais ce n’est surement pas le cas partout ! On est loin du règne des chimistes et des analystes !

Vu sur cette journée :
- une soupe un peu trop acide, un peu trop salée : corriger avec un peu de lait en poudre et un peu d’eau. Et ça marche !
- un genre de gelly aux fruits. Rien qu’en discutant, on part d’un essai pas joli à une image mentale d’un produit qui va être réussi et savoureux. Je n’ai moi que cette image mentale, j’espère que le produit verra le jour réellement pour que je me rende compte en vrai !

On a beaucoup parlé ingrédients et méthode aussi pour définir l’intérêt de tel ou tel :
- le coût VS l’impact marketing dans l’appellation du produit fini
- le goût VS la texture après le processus industriel et la remise en œuvre par le client
- la spécificité réelle du produit avec appellation connue du public VS les autres références du même genre (goût, disponibilité…),

de l’intérêt du palais du cuisinier, de goûter tous les produits, toutes les matières premières, crues, mi-cuites, cuites… que l’on peut toujours éduquer son palais, que c’est un sens qui se développe.
et au fil de la discussion, on compare l’utilisation de l’analyse sensorielle sur consommateurs naïfs à l’apport d’un groupe de personnes ayant éduqué leur palais, rendues capables de juger non seulement ce qui est peut-être bon dans l’absolu mais aussi ce qui peut plaire à un type de public.

Et j’ai appris l’existence du poivre maniguette, que les gombos n’étaient pas forcément amers, que le nom commun du madère (que j’ai travaillé en Guadeloupe) est le Taro…

Hâte de commencer en vrai cette nouvelle vie !