Quand j’étais ado, on n’avait que peu de considération pour les profs qui semblaient ressortir chaque année le même cours, comme des machines à répéter. Et on se disait que c’était bien un métier de planqué, qu’on pourrait toujours faire ça si on n’arrivait pas à faire mieux (sous-entendu, c’est un métier facile accessible à n’importe qui) ;
A la fin du lycée, quand on se penchait sérieusement sur l’orientation future, on pensait avec un peu de mépris à ceux qui allaient en fac sans idée précise de ce qu’ils voulaient faire plus tard comme métier, en disant « au pire, ils pourront toujours finir prof », on pensait donc que c’est un métier que ces gens-là feraient par dépit, comme beaucoup de nos professeurs pension-nous ;
Un peu plus tard, pendant les études supérieures, nous étions confrontés à des enseignants chercheurs qui nous faisaient cours par contrainte, alors qu’ils auraient préféré pouvoir consacrer tout leur temps à leurs recherches ; et aussi à des intervenants extérieurs qui venaient chercher la pige, bien payée, sans se soucier de la progression de leurs élèves dans la matière enseignée.

Ces remarques reflètent la réalité d’un ressenti mais pas une vérité absolue. Les profs qui m’ont marquée sont ceux qui aimaient visiblement leur matière, qui avaient l’envie réelle de la transmettre et de l’intérêt pour la progression et l’avenir de leurs élèves. Des professeurs de métier, compétents, j’en ai eu sur mon parcours et c’est surement grâce à eux que j’en suis là aujourd’hui.

Alors pourquoi ces remarques un peu négatives aujourd’hui ? Retourner à l’école et être à nouveau confrontée directement à des élèves d’autres formations, me fait m’interroger sur l’influence des professeurs, de leur attitude, pour l’avenir de leurs élèves.

Je suis convaincue de l’intérêt d’un parcours professionnel riche et diversifié et je peux témoigner de l’appétit avec lequel nous écoutions, lors de mes études supérieures, les intervenants extérieurs professionnels, qui pouvaient traiter d’une matière théorique en l’enrichissant d’exemples très concrets, et d’un certain recul. Parfois même, on ressentait un fort écart entre la qualité d’un enseignement dispensé par un prof de formation (« jamais sorti de l’école » et ce n’était pas un compliment) et celle, qui semblait plus fondée des professionnels qui venaient témoigner de leur métier. Je crois à l’intérêt pour un prof de s’être confronté réellement au monde professionnel dans lequel il est sensé guider ses élèves.
Dans la formation professionnelle en hôtellerie, c’est monnaie courante que des cuisiniers de formation ayant exercé plusieurs années se reconvertissent comme profs ou formateurs. Des motivations différentes entrent en jeu :
- une réelle envie d’enseigner, de transmettre, qui a pu déjà être déjà pratiquée en accueillant des apprentis ou des stagiaires en cuisine ;
- une reconversion nécessaire pour raisons de santé. Et les cas sont nombreux d’arrêt maladie provoqués par les conditions de travail : station debout prolongée, chaleur devant les fourneaux, manutention, blessures par des couteaux…
- un rejet des horaires décalés et de la difficulté du métier, combiné à l’envie de se trouver une place « tranquille ». Surement, il y a moins de stress à être prof qu’à être le propriétaire d’un restaurant soumis aux variations saisonnières. Loin de moi l’idée de critiquer ces choix professionnels !
Néanmoins, si on ne sent pas la motivation forte du formateur à transmettre, comment en tant qu’élève s’impliquer fortement ? Quelle envie de faire ce métier, les formateurs blasés de la restauration vont-ils transmettre à leurs élèves ? Quelle ambition transmet-on aux élèves si les profs leur font miroiter un avenir professionnel qui finira dans le dépit d’avoir « fini » prof ?
Là encore il ne faut pas généraliser. Et si je prends mon cas personnel, je crois que j’ai la chance de bénéficier des enseignements de formateurs enthousiastes et motivants. Mais ces cas existent malgré tout. Déjà rencontré :
- un cuisinier qui exerce depuis 2 ans à peine et qui se projette prof, une fois qu’il aura une expérience suffisante pour transmettre. Lors de la discussion j’avais ressenti qu’il visait ainsi une tranquillité à moyen terme, davantage que l’envie de faire grandir des élèves
- un bachelier en formation professionnelle qui n’exercera jamais et qui va se reconvertir parce que le métier ne lui plait pas. Il estime que ces profs ne l’ont pas du tout préparé à la réalité du monde professionnel de la restauration, par méconnaissance
- un formateur qui soupire en dispensant une matière qu’il n’affectionne pas
- plusieurs cuisiniers qui le sont devenus simplement parce qu’ils avaient les notes qu’il fallait pour qu’on les oriente au hasard dans cette filière.

On dit beaucoup que les générations ont changé, que les jeunes sont moins motivés, moins ci, moins ça, plus égoïstes… Est-ce vrai ? N’est-ce pas aussi le regard sur les jeunes qui change quand on vieillit ? Est-ce que les profs n’ont pas eux-aussi changé ? Est-ce que les profs n’ont pas une influence sur la motivation de leurs élèves à se former et à s’épanouir dans leur métier futur ? Est-ce qu’on n’aura pas besoin de professeurs plus convaincus dans des filières où les élèves arrivent parfois par hasard et où le métier visé est difficile mais essentiel ?

Ce n’est qu’un début, j’ai encore des questions à poser sur le contenu des formations.
A suivre…