Pas si facile physiquement de passer des tropiques à Brest : changement de température, décalage horaire... et grosse fatigue au final.
Il faudra bien que ça passe vite parce que j'ai un gros boulot à faire pour classer toutes les notes que j'ai prises pendant ces 15 jours très riches en Guadeloupe, où j'ai pu à la fois découvrir la cuisine créole de l'intérieur par mon stage dans le restaurant et aussi m'en imprégner personnellement par la pratique (modestement), les achats au marché ou dans les grandes surfaces, et les dégustations dans les restaurants.

Avant de pouvoir me lancer dans quelque chose de plus exhaustif, j'ai bien envie de faire un bilan superficiel :

En 1er point, je dois dire que j'ai adoré l'expérience : être immergée dans un milieu plus ou moins inconnu, y tenir un rôle, apprendre tous les jours aussi bien en cuisine que sur des aspects culturels un peu plus larges, se faire ouvrir les portes par des inconnus qui deviennent assez vite relativement proches en raison de la distance avec mon quotidien personnel, raconter tout cela, tenter de l'analyser, de comprendre. Je ferais bien ça comme métier pendant un temps donné !

De belles choses vues et faites :
- boire de l'eau de coco directement de la noix et manger la crème autour de la coque (à l'intérieur), juste après qu'on ait fait tomber la noix du cocotier, assise à même le carrelage (chaud) de la terrasse vers 18h
- acheter des tourments d'amour à une "grosse dame" aux Saintes, les déguster dans le bateau du retour, tenter de visualiser la recette pour pouvoir les reproduire : ce sont des genres de tartes individuelles spécifiques des Saintes, garnies de confiture ou de compote (ananas, coco, goyave...) et recouvertes d'une certaine épaisseur de génoise
- préparer une garniture aromatique dans la cuisine et se dire : le persil sent si bon, le piment dégage un parfum très intense
- goûter un court-bouillon de poisson (dans un restaurant), trouver la chair fondante et y repérer les goûts des ingrédients du court-bouillon
- tremper une cuillère dans les sauces des plats en cours de réalisation au restaurant où j'étais en stage, être septique avant parce que ce sont des couleurs plus foncées que celles auxquelles on est habitués, goûter et trouver ça très bon, parfois fort en goût mais pas écoeurant ni trop relevé
- cuire du poisson, avec une marinade inspirée des préparations locales mais selon mon instinct et des techniques apprises cette année, faire goûter, goûter, et pouvoir se dire que c'était réussi
- aller au marché, demander des infos sur des fruits ou légumes aux formes étranges, acheter, goûter
- passer une journée à la campagne, manger du colombo presque froid, me dire que c'est dommage, et finalement le trouver délicieux, fin en bouche, délicat. Pouvoir dire merci à la dame qui l'avait préparé.

Quelques spécificités de la cuisine créole que j'ai pu remarquer :
- on cuit beaucoup, longtemps, alors ce n'est sans doute pas de la viande de boeuf qu'il faut venir manger ici !
- on aime les sauces foncées, les couleurs brunes, bien bien dorées sur les viandes et poissons
- on sert de très bonnes parts, très copieuses, on remplit les assiettes, beaucoup. Cette présentation un peu lourde fait sembler cette cuisine moins raffinée qu'elle ne pourrait l'être
- la cuisine de base n'est pas trop relevée même si elle est très épicée, du piment fort est proposé à part à ceux qui le souhaitent.
- on mange chaud, même s'il fait plus de 30°C. Mais on mange aussi tiède les plats en sauce locaux et ça reste savoureux : le colombo, le poisson frit et sa sauce d'oignons revenus... (et pas sûr que je tenterais l'expérience avec du boeuf bourguignon tiède !)
- on utilise certaines variétés de fruits ou de légumes avant qu'ils soient mûrs : bananes (notre banane jaune, utilisée verte et appelée poyo ou ti figue), christophines, mangues vertes... que l'on va le plus souvent cuire comme des légumes
- des produits "coloniaux" se sont intégrés dans la cuisine traditionnelle : le colombo a été apporté par les Indiens à leur arrivée dans la 2nde moitié du 19ème siècle (ce n'est pas si vieux !), le lait concentré sucré sent très fort les politiques d'après-guerre pour la consommation de calcium (mais je n'ai pas vérifié), les épinards en boite sont un reliquat de l'époque de la grandeur de Popeye (ça non plus je ne l'ai pas vérifié !)...
- les techniques et les recettes sont très très variées, non non il n'y a pas que les acras et le colombo aux Antilles : à suivre (dans les prochains jours), quelques recettes que j'ai pu appréhender.